C’est le temps de la célébration de Yennayer, le Nouvel An Amazigh, et nous profitons donc de cette occasion afin de vous présenter et faire la lumière sur cette fête ancestrale qui puise ses racines dans le mode de vie agraire nord africain. Vous retrouverez ci-dessus la vidéo partie 1 de 2, mais vous pourrez lire dans cet article le texte complet des deux vidéos (vidéo partie 2 à venir) comprenant l’historique de Yennayer, des origines à nos jours. N’hésitez pas à consulter la bibliographie avec liens en bas de page (alors, on espère que vous êtes confortablement assis, car c’est un véritable voyage dans le temps!).

Yennayer est le nom du premier mois de l’année du calendrier amazigh, qui donne également son nom à la fête de Yennayer tenue le premier jour de l’an du calendrier agraire coincidant avec le solstice d’hiver célébrée chez les populations du Nord de l’Afrique depuis des siècles, voir des millénaires. Cet événement, marquant la séparation entre deux cycles solaires, célèbre le passage des journées courtes noires (oussen iberkanen) aux journées longues blanches (oussen imellalen).
Yennayer est fêté dans la quasi-totalité des régions de l’Afrique du Nord entre le 12 et le 14 janvier, mais notez qu’un débat demeure toujours concernant la date de sa célébration. Cette confusion réside quelque part dans la base du calendrier amazigh moderne que nous aborderons dans cet article.
L’étymologique du mot Yennayer
On peut retrouver deux explications concernant l’étymologie du mot Yennayer, un terme considéré pan-nord-africain:
1ère théorie
La première explication serait que, pour certains, Yennayer découlerait de la racine de deux mots amazighs: le mot yan qui signifie « premier » ou « un », et ayyur qui signifie « la lune » et aussi le « mois ». Selon cette première théorie, Yennayer se traduirait donc soit par « la première lune » ou bien par « le premier mois », mais cela reste peu concluant car pas assez documenté.
2e théorie
La seconde explication nous dit que le mot Yennayer viendrait du mot Ianuarius, qui est le mois de janvier en latin. En effet, comme le mentionne Henri Genevois, les noms latins des mois, adaptés aux parlers locaux, furent conservés en Afrique du Nord, tant en tamazight qu’en arabe.
Mois en tamazight et en latin:
Yanāyr (Ianuarius), Fūrār (Februarius), Maġras (Martius), Yabrīr (Aprilis), Mayū (Maîus), Yūnyū (Junius), Yūlyū (Julius), Ġušt (Augustus), Šūtambaṛ (September), Utūbaṛ (Otober), Nūnbaṛ (November), Ḏūǧanbaṛ (December).
Calendrier agraire amazigh
Il est supposé, par certains chercheurs, que les amazighs, pratiquant l’agriculture depuis le néolithique, auraient utilisé probablement dès l’antiquité un calendrier basé sur le changement des saisons et les différents cycles de végétation car, en effet, les peuples avaient tendance à développer des rites sacrés liés à leur mode de vie et à la nature de leur environnement. Le chercheur et documentaliste Djamel Eddine Mechehed, par exemple, serait parmi ceux qui soutiennent la possibilité que les amazighs auraient utilisé un calendrier agraire antérieur au calendrier julien. Ce calendrier agraire était un calendrier solaire qui se rapprocherait du calendrier universel ou grégorien, ayant une division en quatre saisons, tout comme le calendrier mésopotamien, ou le calendrier celtique, sans oublier qu’il y eut des échanges de savoirs avec les égyptiens durant l’antiquité qui auraient également pu transmettre leur calendrier.

Ayant étudié les rythmes saisonniers des agriculteurs algériens, l’ethnologue et historien français Jean Servier « distingue dans les traditions populaires deux types de calendriers, l’un très ancien dont les repères sont déterminés par l’état de la végétation et les révolutions de la lune [et l’autre] d’origine plus récente, est le calendrier julien qui fut adopté par tous les cultivateurs du Nord de l’Afrique car il offrait un cadre commode dans lequel s’inscrivaient les grandes étapes du cycle annuel de la végétation. » (M. Gast et J. Delheur, 1992)

Faisant partie intégrale du quotidien des amazighs, les peintures murales, tatouages, tapisseries, poteries, etc, arborent depuis des millénaires des motifs ancestraux sacrés représentant la nature et leur mode de vie, en l’occurrence les cycles de la végétation et des saisons, ainsi que la fertilité de la terre et des Hommes.


Les guanches des Îles Canaries auraient également utilisé un calendrier, mais il existe peu d’information au sujet de ce type d’anciens systèmes calendaires. Dans son ouvrage « Historia de las Siete Islas de Canaria », le physicien et historien canarien du XVIIe siècle, Tomas Arias Marin de Cuba, raconte comment les canariens comptaient leur année, appelée Acano, en soleil (ou jour), et les célébrations qu’ils tenaient après les récoltes.
À présente, pour bien comprendre le fondement de Yennayer, il faudra évidemment s’intéresser au calendrier julien et au calendrier grégorien (ou universel).
Le calendrier julien
Précédent le calendrier julien, le calendrier républicain romain était composé de 355 jours au lieu des 365 jours d’une année solaire, et pour cette raison, les romains ajoutaient un 13e mois tous les deux ans qui était composé de 22 à 23 jours, mais ce mois alternatif a souvent été utilisé à des fins politiques pour allonger ou raccourcir le mandat d’un consul. Il arrivait aussi que ce 13e mois soit négligé lors de crises importantes auxquelles la république romaine faisait face.
En 46 av. J.-C., Jules César décida de reformer le calendrier républicain par l’intermédiaire de l’astronome Sosigène d’Alexandrie. Le nouveau calendrier, partiellement inspiré du calendrier égyptien, fut ainsi nommé le calendrier julien, et entra en vigueur dès l’an 45 av. J.-C.
Les points qui nous intéressent ici concernant le calendrier julien sont:
- Il garde les douze mois traditionnels du calendrier républicain;
- Mais il comporte 365 jours au lieu de 355 jours, ainsi qu’une année bissextile tous les 4 ans où on rajoute un jour au mois de février ;
- Aussi, les mois Ianuarius, Sextilis et December deviennent des mois de 31 jours.

À la mort de Jules César, Marc Antoine renomme le mois de Quintilis en Julius en son honneur. Auguste Ier, premier empereur romain et successeur de Jules César, va réajuster le calendrier julien en réglant la mauvaise interprétation des année bissextiles par les pontifes qui eux ajoutaient un jour au mois de février tous les 3 ans au lieu de tous les 4 ans. En l’an 8 av. J.-C., le Sénat romain décida d’honorer Auguste en renommant le mois de Sextilis en Augustus, qui est le mois d’août. Cette réforme du calendrier julien fut adoptée dans tout l’empire romain, ainsi qu’en Afrique du Nord suite à la domination romaine.
On retrouve un bon nombre de traités et livres scientifiques étudiant le calendrier julien datant de la période musulmane, utilisé notamment pour l’agriculture de par son importance en tant que calendrier solaire, contrairement au calendrier hégirien (ou islamique) qui est, quant à lui, un calendrier lunaire, car ce dernier a un décalage d’une dizaine de jour chaque année, ce qui ne respecte pas les saisons agraires. « Le calendrier julien fut [donc] adopté par tous les cultivateurs du Nord de l’Afrique car il offrait un cadre commode dans lequel s’inscrivaient les grandes étapes du cycle annuel de la végétation. » (Jugurtha Hanachi, 2016)
En effet, beaucoup de savants amazighs et andalous de toutes confessions se sont intéressés au calendrier julien, comme l’évêque et savant mozarabe Recemund (Rabî ibn Zyad) (الربيع بن زياد الحارثي) qui a écrit « Le calendrier de Cordoue » ou Kitab al-Anwa en 961 ap. J.-C.; ceci fut la première mention du calendrier julien chez les musulmans. S’inspirant et se basant sur ce calendrier, comme plusieurs autres agronomes musulmans d’al-Andalus, l’agronome Zakariya Ibn al Awan (أبو زكريا بن العوام) rédigea le Kitab el Filaha ou « Le Livre de l’Agriculture » en 1175 de notre ère, ce qui créa « une “véritable révolution scientifique” dans le domaine agraire » (Yidir Plantade, 2009). Nous pouvons également citer l’astronome Sāyyed ‘Abd al-Rāḥmān al-Akḥdārī (السيد عبد الرحمن الأخضري) de Biskra (en Algérie) qui rédigea un traité entièrement consacré au calendrier julien au 16e siècle de notre ère, et qui servira de référence à tous les savants nord-africains.
La réforme du pape Grégoire XIII
Le calendrier julien a un décalage de un jour tous les 128 ans, et de 3 jours tous les 400 ans par rapport au cycle solaire. Au 16e siècle, il y eut 10 jours de retard au compteur, ce qui poussa le pape Grégoire XIII à rectifier ce décalage afin d’harmoniser les fêtes religieuses. Il créa donc le calendrier grégorien en octobre 1582 (calendrier universel utilisé aujourd’hui), qui est plus précis que le calendrier julien. En octobre 1582, la date passa donc du 4 octobre au 15 octobre.
L’Afrique du Nord n’adoptera pas le calendrier grégorien jusqu’à la colonisation européenne car étant un calendrier chrétien, il fut considéré comme hérétique.

Le calendrier amazigh moderne
Le calendrier amazigh moderne est un calendrier de tradition agraire nord-africaine antérieure au calendrier romain, combinée à la construction des mois du calendrier julien. Il fut pensé et créé par le défunt militant berbériste chaoui, Ammar Negadi. Le premier calendrier amazigh fut publié en 1980 (ou en 2930 de l’année amazighe) par l’association Tediut n’Aghrif Amazigh (Union du Peuple Amazigh ou UPA) fondée par Negadi. Ce dernier, de par cette initiative, voulu tout d’abord doter le peuple amazigh d’un calendrier propre à eux, et sa deuxième motivation fut le choix d’un événement historique marquant car il avait la volonté d’inscrire le peuple amazigh parmi l’un des plus anciens peuples connus et existants. Le fait historique choisi pour la date du calendrier moderne amazigh fut la montée sur le trône d’Égypte de Sheshonq I, descendant de la tribu libyque des Mâchaouach (Meshwesh), aux environs de 950 av. J.-C., et qui fonda, par la même occasion, la XXIIe dynastie d’Égypte.

Comme mentionné au début, un débat existe toujours concernant la date de célébration de Yennayer: le 12, le 13 ou le 14? Par exemple, en Algérie, les kabyles le fêtent le 12 janvier, tandis que le mouvement culturel chaoui dans les Aurès, ainsi que la Tunisie soutiendraient la date du 14 janvier. Au Maroc, en Libye et aux îles Canaries, c’est plutôt la date du 13 janvier qui est la plus souvent retenue.
Si vous vous rappelez bien, le calendrier amazigh moderne, étant conçu sur la base du calendrier julien, a donc un jour de plus de décalage avec le calendrier grégorien (ou universel) tous les 128 ans, et un décalage de 3 jours tous les 400 ans. C’est pour cette raison que, selon les calculs, Yennayer aurait un décalage de 13 jours (1+13 = 14 janvier) avec le calendrier universel (grégorien) aujourd’hui selon certains spécialistes, et que Yennayer tomberait donc le 14 janvier.
Sachant tout cela, en retirant le décalage de jours, on sait que le calendrier grégorien est le plus juste aujourd’hui, et donc Yennayer tomberait en réalité le… 1 janvier tout simplement! On peut dire qu’on continue de fêter le nouvel an amazigh entre le 12 et le 14 janvier pour des raisons traditionnelles et symboliques de l’identité amazighe, mais, dans ce cas, allons-nous continuer de changer la date de la célébration de Yennayer tous les 128 ou 400 ans?
L’origine festive de Yennayer
Selon certains chercheurs, l’origine festive attestée de Yennayer viendrait des calendes de janvier (Calendae Ianuariae), qui est la célébration du Nouvel An romain, le 1er Ianuarius ou 1er janvier du calendrier julien, qui tomberait aujourd’hui le 14 janvier du calendrier universel (ou grégorien). Le terme Ianuarius serait dédié au dieu Janus, dieu majeur du panthéon romain associé au commencement, aux fins de cycle, aux choix, et au seuil de porte. Selon le Dr. Karim Ouaras, il serait appelé rabi g imnaren en Kabylie, signifiant le dieu des seuils. Janus était vénéré pour apporter la prospérité et inspirer les bons choix pour la nouvelle année. Selon les ménologes Menologium rusticum (ouvrages contenant la liste mensuelle des fêtes chrétiennes), la déesse Junon était la divinité tétulaire du mois de janvier, et selon Robert Schilling, Junon intervenait avec Janus aux calendes, comme une sorte de collaboration afin de faciliter la transition d’un mois à l’autre.
D’ailleurs, en kabylie, en Algérie, Yennayer est qualifié de ixef useggwas ou aqeṛṛu useggwas qui signifie la tête de l’année, ou bien de tabburt useggwas qui signifie la porte de l’année. Ce dernier est un terme qui, selon Jean Servier, est utilisé pour qualifier chaque période de temps entre deux saison, mais pour Henri Genevois, cette appellation désignerait plutôt « le commencement des labours d’automne et des semailles d’où sortiront les moissons futures. »
Les auteurs Mathéa Gaudry (1929), Germaine Tillion (2000), et Gustave Mercier (1896) mentionnent que les chaouis (en Algérie) appellent Yennayer Ass n ferâoun (le jour du Pharaon), car ce serait aussi l’anniversaire de Pharaon, qui serait soit une référence à Sheshonq I ou bien une tradition islamique du passage de la mer Rouge célébrant ainsi la mort du Pharaon tombé dans la mer.


On retrouve des traces de la célébration des calendes de janvier en Afrique du Nord dès l’occupation romaine. Une des plus anciennes traces est une mosaïque d’un calendrier mural avec les quatre saisons et les mois, qui fut retrouvée sur le site de l’antique Thysdrus, à El Jem en Tunisie, datée entre 222 et 235 de notre ère (voir les deux images ci-dessus). Sur cette mosaïque, on peut apercevoir sur la partie désignant le mois de Ianuarius (Janvier) deux hommes qui se donnent l’accolade, ainsi qu’une galette et le restant de fruits en arrière-plan, symbolisant ainsi la célébration du Nouvel An. La richesse de l’Afrique du Nord romaine reposait sur l’agriculture, et les Quatre Saisons étaient un thème très populaire dans tout l’empire romain, parfait pour exposer les produits de l’agriculture.


Pendant la période chrétienne romaine, le philosophe et théologien amazigh latinisé Quintus Septimius Florens Tertullianus (ou Tertullien) fut le premier à mentioner clairement cette pratique en Afrique du Nord dans son ouvrage « De l’idolâtrie » en 212 de notre ère, et à dénoncer par la même occasion sa célébration à Carthage à cause de ses origines païennes. Nous pouvons également citer l’évêque d’Hippone, Saint Augustin, un autre grand personage historique amazigh, qui a également dénoncé et condamné cette fête jugée païenne dans un sermon qu’il prononça en 397 de notre ère. Ceci fut la dernière source latine africaine évoquant les calendes de Janvier.
Pendant la période musulmane, au Moyen-Âge, la fête des calendes de janvier était connue sous le nom de qalendas. On peut retrouver dans un opuscule du docteur musulman de rite malikite, Abu l-Hasan al-Qabisi (أبو الحسن علي بن محمد القابسي) de Kairouan (en Tunisie actuelle), daté entre 935 et 1012 de notre ère, un passage dans lequel il dénonce la célébration des calendes, ainsi que de d’autres fêtes chrétiennes. Cette référence est une indication forte de la perpétuation de la célébration des calendes de janvier dans certaines régions en Afrique du Nord à cette époque, comme l’affirme l’auteur Yidir Plantade dans ces mots: « Dans l’ensemble du pourtour méditerranéen médiéval, nous n’avons de trace de l’utilisation du vocable « Yannayr » pour désigner le mois de janvier latin que dans un seul et unique lieu : l’Andalousie musulmane [car] l’Andalousie wisigothe est bien plus profondément latinisée que l’agonisante Afrique du Nord byzantine à la même époque. [Ceci montre] que l’Andalousie médiévale constitue la source principale de la réintroduction du calendrier julien en Afrique du Nord ainsi que du vocable même de Yennayer. »
En effet, le grand poète d’al-Andalus, Muhammad Ibn Quzman (محمد بن عبد الملك بن قزمان), fit également référence à aïd al Yannayr pour évoquer les célébrations du 1er Janvier dans certains de ses poèmes du début du XIIe siècle de notre ère. Aussi, le diplomate andalou Hassan al-Wazzan (حسن ابن محمد الوزان الغرناطي), dit Léon l’Africain, mentionna son témoignage de la fête du premier jour de l’An à Fès, au Maroc, qu’il désigna sous le nom de ennuyer au XVe siècle de notre ère.
Comme le mentionne Yidir Plantade, vous remarquerez ici l’ « Ironie de l’histoire: alors que durant l’Antiquité les prédicateurs chrétiens enjoignaient leurs ouailles de se tenir à l’écart du Nouvel An « païen », au Moyen-âge c’est au tour des prédicateurs musulmans d’interdire aux fidèles de participer à cette fête qu’ils qualifient de « chrétienne”! »
Ce qu’on retient ici est ce que dit bien Jeannine Drouin dans son étude, « Les calendriers berbères », paru en 2000: « Les sociétés, quelle que soit l’aire islamisée, ont intégré, adapté, mixé les anciens usages et les nouveaux. Le sacré païen et le sacré religieux se sont acclimatés et fondus l’un dans l’autre, comme necéssité protectrice et apotropaïque [c.-à-d. pour conjurer le mauvais sort]. »
Célébration traditionnelle de Yennayer en Afrique du Nord
Yennayer est fêtée depuis des temps ancestraux par les populations d’Afrique du Nord. Le folklore, étant extrêmement conservateur, a entre autre permis la sauvegarde de cette tradition qui a subi de nombreuses mutations au fil de l’histoire. Bien que les traditions rattachées à Yennayer soient différentes selon le temps et les régions, elles ont toutefois toutes en commun de participer à des pratiques sociales et d’inviter au partage de ce que la terre a offert, et ceci, pas que chez les communautés berbérophones.
Il est dit qu’il est bon ce jour là que les choses entreprises soient terminées. Souvent, un repas copieux traditionnel ou imensi n yennayer est préparé variant selon les récoltes et les régions (couscous à la viande, crépes, beignets, etc), et différents rites sont pratiqués, tels que chants, danses, carnavals masqués, etc, augurant la bonne année ou pour conjurer le mauvais sort, et ce, sur un ou plusieurs jours. Nous développerons plus amplement ces rites de Yennayer dans une publication future.
Yennayer est considéré « comme une ode à la nature et à la terre nourricière qui place la nouvelle année sous d’heureux auspices » comme le dit bien l’enseignant-chercheur Dr. Karim Ouaras, car cette fête qui célèbre la nouvelle année, la bonne moisson et l’abondance, symbolise fortement la transmission des valeurs de préservation et de gratitude envers la nature (faune et flore).
Conclusion
Comme l’a dit Dr. Ouaras dans une conférence de « La semaine du Patrimoine Amazigh » en 2018 à Oran, en Algérie: « Si Yennayer a survécu aux péripéties de l’histoire en traversant plusieurs millénaires, c’est qu’il revêt une importance majeure pour les sociétés amazighes de l’Afrique du Nord, qui le célèbrent continuellement. » En effet, comme nous l’avons vu, plusieurs chercheurs s’entendent pour dire que la célébration de Yennayer, liée aux pratiques de rituels agraires amazighs ancestraux, datent de bien avant Sheshonq I, pendant que d’autres penchent plutôt sur l’origine romaine.
Quel que soit votre avis sur la question, il faut retenir que Yennayer symbolise trois éléments majeurs pour les amazighs célébrant le rythme des saisons de la vie agraire:
– Un attribut civilisationnel fondamental de par ces rites hérités de nos ancêtres qui respectaient profondément la nature.
– Une retombée socio-historique précieuse invitant à des moments conviviaux, festifs et de partage.
– Et une forte symbolique identitaire du XXe siècle de par la création et l’utilisation du calendrier amazigh moderne s’imposant comme partie intégrale d’un patrimoine culturel riche célébrant la solidarité.
Aseggwas ighudan, joyeux nouvel an Amazigh à toutes et à tous. Les amazighs passent déjà en 2972 cette année. Notre compte instagram, avec lequel l’aventure Tamazgha History débuta en janvier 2017, fête déjà ses 5 ans d’activité. Nous tenons à remercier toutes celles et ceux qui nous ont soutenu au fil de ces années riches en découvertes et rencontres.
Tanmirt attas!
Bibliographie
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Gast, Marceau, et Delheur, Jean, « Calendrier », Encyclopédie berbère, 11 | 1992, p. 1713-1720.
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Mechehed, Djamel-Eddine, « Le calendrier agraire amazigh », Éditions TIRA, 2018.
Negadi, Ammar, « S H E S H N A Q et le calendrier Amazigh », aureschaouia.free.fr.
Plantade, Nedjima., « Deux fêtes amazighes: Yennayer et Amenzu n tefsut », Tamazgha.fr, 2010.
Plantade, Yidir, « Yennayer en Afrique du Nord: Histoire d’un mot », Tamazgha.fr, 2009.
Tillon, Germaine, « Il était une fois l’ethnographie », Éditions du Seuil, Paris, 2000, p. 149-150.
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